Très nombreux sont les membres de l’AOPA France qui se sont émus des propos tenus par Mme. Léonore Moncond’huy, maire de Poitiers. Comme ces membres, nous avons été choqués par certaines déclarations de Madame la maire.
Nous tenions à lui faire part de notre position et à apporter un éclairage quelque peu différent sur les sujets qu’elle a abordé ces jours derniers.
Lettre ouverte à Madame Léonore Moncond’huy, maire de Poitiers
Le 10 avril 2021
Des rêves sacrés
Madame la Maire,
Depuis quelques jours, la polémique enfle. C’est un fait suffisamment rare pour que les membres de l’AOPA France*, association de pilotes que je préside, m’aient demandé de vous faire part de notre sentiment. Le sujet n’avait pourtant rien d’assez important pour générer leur colère. Du moins à la base : le fait qu’un maire et son équipe municipale décident de couper les subventions d’une catégorie d’associations à but non lucratif, dont deux aéro-clubs, relève bien du périmètre d’autorité et de responsabilité d’une municipalité.
Pourtant, Madame, vous venez d’atteindre une visibilité internationale, car vos propos, à vocation essentiellement régionale, ont été repris par tous les médias, et ce, jusqu’aux USA, où les journalistes se sont émus de votre ingérence dans les choix et les aspirations des enfants de France quand vous avez dit « L’aérien, c’est triste, mais il ne doit plus faire partie des rêves d’enfant aujourd’hui ».
Il est normal et plus que souhaitable que chaque citoyen prenne à son compte une partie des efforts nécessaires à la préservation de notre environnement quotidien et à la sauvegarde de notre planète, et si l’écologie est depuis longtemps entrée en politique, cela n’autorise pas pour autant les déclarations à l’emporte-pièce, les affirmations péremptoires, les arguments trompeurs et les discours culpabilisants, le tout destiné à jeter l’opprobre sur certaines catégories de personnes ou d’activités.
À notre connaissance, votre mandat électoral ne vous donne pas autorité à influer sur les désirs et aspirations de nos enfants, ni sur ceux de vos concitoyens.
Je crois, à l’instar de tous les pilotes que je représente, fermement aux valeurs républicaines : Liberté, Égalité et Fraternité. Liberté pour tous de choisir leur voie, Égalité quant aux chances de chacun et Fraternité qui signifie que nous devons bienveillance à nos concitoyens.
Tout ceci amène au droit de chacun à choisir son avenir professionnel ou passionnel.
Mais peut-on croire que vous partagez ce point de vue républicain quand vous déclarez que « la ville de Poitiers ne compte pas soutenir le sport motorisé » dans le but de réduire « l’impact sur le changement climatique », tout en assurant que son action mènerait vers un « projet global et cohérent pour que chaque enfant puisse avoir accès à un avenir désirable, souriant, mais responsable à la fois ».
Les membres de l’AOPA, pilotes privés ou professionnels, propriétaires et exploitants d’avions, s’interrogent sur les visées d’EELV et s’inquiètent, car ils ne perçoivent pas dans vos propos les fondamentaux de la démocratie, le sens du débat contradictoire et de l’écoute de l’autre. En revanche, ils ressentent dans vos propos une attaque directe, assortie trop souvent d’une visée à culpabiliser ceux qui ne sont pas d’accord avec vous, avec des arguments assortis de données statistiques tronquées, voire fantaisistes.
Permettez-moi donc, Madame la Maire, de vous rappeler quelques faits objectifs..
Si l’aérien, comme beaucoup d’autres secteurs d’activités, porte une part de responsabilité dans les émissions nocives à l’échelle mondiale, c’est pourtant, et de loin, le secteur le plus vertueux en la matière. Depuis les 20 dernières années, l’aérien a plus progressé que n’importe quel autre secteur en matière de réduction de consommation de carburants fossiles, d’innovation en matière de création de nouveaux biocarburants et d’amélioration du ratio émissions par passager transporté au kilomètre : plus de 30 % d’économies sur les consommations ont été déjà été réalisés. L’aviation est également le secteur qui s’est le plus fortement engagé sur la réduction future des émissions nocives, avec le but avoué d’arriver à des avions zéro émission dans un avenir proche et ce, bien avant l’épidémie que nous connaissons.
Concernant plus précisément l’aéroport de Poitiers, si l’on peut légitimement s’interroger actuellement sur son avenir après plus d’une année de pandémie ayant fait drastiquement chuter le nombre des vols, les articles de presse publiés depuis votre élection démontrent, sans surprise, que votre opinion est déjà faite sur le sujet et que l’aéroport « fermera bientôt de lui-même, faute de passagers ». Pourtant, vous n’êtes pas sans savoir que des discussions animées ont lieu en ce moment même entre les décideurs de la région, du département, de l’aéroport et ceux du Grand Poitiers, car certains indicateurs montrent que l’aéroport intéresse grandement des opérateurs aériens qui souhaitent y implanter, par exemple, un centre de formation (soit 70 emplois temps plein à la clé) et que le marché de l’aérien n’est pas uniquement constitué par les compagnies aériennes.
Rappelez-vous aussi qu’à Poitiers le rêve d’Icare existe bel et bien, que tous les enfants de la région y ont facilement accès. Commel’explique Dominique Hummel, président du Directoire du Futuroscope : « Entre grands rêves de l’Homme, imaginaire et prouesse technologique et humaine, la dimension spatiale a toute sa place dans notre offre ». D’ailleurs, ce même Futuroscope présente nombre d’attractions liées à l’aérien, à l’espace et au sport automobile. Le public attend impatiemment la réouverture du Futuroscope pour pouvoir se transformer en spationaute, vivre l’entrainement de ces explorateurs du cosmos et découvrir Mars et l’espace. Allez-vous proposer la fermeture de cette attraction (20 millions d’euros d’investissement) ainsi que celle qui permet de vivre une course de rallye automobile dans la voiture de Sébastien Loeb ou celle qui permet de découvrir au travers des expériences spatiales de Thomas Pesquet l’immensité de l’espace ?
Nous aimerions vous faire comprendre que l’aérien n’est pas un ennemi de la société, de l’environnement ou de l’écologie, bien au contraire.
Comme vous l’ont déjà écrit d’autres présidents d’associations ou de fédérations, l’aérien est un maillon d’une chaîne qui alimente certes les passionnés, mais bien d’autres acteurs de notre société.
Tous les pilotes, qu’ils soient privés ou professionnels, dépendent d’une longue chaîne d’entreprises pour pouvoir quitter le sol. Sans les avionneurs, les équipementiers, les mécaniciens, ingénieurs, techniciens, apprentis, aucun avion ne décollerait. À cela, il faut ajouter toutes les entreprises qui amènent des services, tous les métiers de l’escale (coordinateurs avions, chefs et personnel d’escale, agents de sûreté et de sécurité) et toutes les entreprises qui vivent de la proximité d’un aéroport ou d’un aérodrome.
Poitiers a besoin de son aéroport, non seulement pour ceux qui y volent par passion, mais aussi pour permettre le transport d’organes, les évacuations sanitaires, le déplacement de personnel médical, la recherche de personnes, la surveillance de feux, de lignes électriques, etc.
Avant la crise sanitaire, le secteur aérien était le secteur avec le plus grand nombre d’offres d’emploi non satisfaites. L’aérien, dans des conditions normales, est un secteur qui offre des carrières multiples à une jeunesse qui a toujours rêvé du ciel et de l’espace et qui continuera à le faire.
Qu’allez-vous leur offrir à la place si vous choisissez, vous et vos collègues d’EELV, de tuer ce secteur en France ?
Madame la Maire, merci de bien vouloir accepter que nos enfants, même avant d’arriver à l’âge adulte, puissent choisir leur voie en toute liberté et transformer leurs rêves d’enfant en métier.
Veuillez agréer, Madame la Maire, l’expression de mes sentiments distingués,
Pour l’AOPA France,
Emmanuel Davidson, Président
L’AOPA (Aircraft Owners & Pilots Association) est l’association de pilotes d’aviation générale la plus importante au monde.L’AOPA est née aux États-Unis en 1939, pour représenter les intérêts de l’aviation générale, des pilotes et des propriétaires d’aéronefs afin que l’environnement aéronautique n’évolue pas uniquement en fonction des besoins de l’aviation commerciale. L’AOPA représente PLUS DE 450 000 PILOTES à travers le monde. Aujourd’hui, la flotte de l’aviation générale représente 95 % des avions civils et plus des deux tiers des pilotes civils sont des pilotes d’aviation générale… En 2021, L’AOPA, aux USA, regroupe plus de 400 000 pilotes, ce qui en fait une force de frappe reconnue qui pèse dans toutes les décisions législatives, administratives et politiques touchant à l’aéronautique. L’AOPA est sollicitée pour ses conseils et son point de vue avant l’élaboration des normes et des règlements ; elle est particulièrement influente dans le domaine de la sécurité aérienne avec l’Air Safety Foundation. Elle a su devenir une référence incontournable autour d’un même objectif depuis 75 ans : rendre l’aviation générale toujours plus attrayante, plus sûre et plus accessible.
Dans la région Europe, 32 AOPA sont présentes. Regroupées au sein de l’IAOPA Europe, leurs représentants siègent dans la majorité des commissions et groupes de travail de l’Agence Européenne pour la Sécurité Aérienne qui est chargée de rédiger les textes réglementaires qui régissent l’aviation en Europe. L’IAOPA est également active auprès de la Commission Européenne et de ses groupes spécialisés. L’IAOPA Europe agit ainsi directement sur l’avenir de l’Aviation générale au niveau européen. L’AOPA France poursuit ces travaux auprès des organismes français tels que la DGAC, l’OSAC, Météo France, le Service d’Information Aéronautique et bien d’autres encore.